Examen en séance publique de la réforme ferroviaire

Examen en séance publique de la réforme ferroviaire

C’est dans un contexte social compliqué que débute l’examen en séance publique de la réforme ferroviaire. Lors de son discours en tant que rapporteur pour avis de la Commission des Finances, Olivier Faure a rappelé les enjeux de la réforme : le rapprochement de la SNCF et RFF séparés en 1997, seul à même de sauver le système ferroviaire français.


Réforme ferroviaire par olivierfaure

 

Monsieur le Président

Mes chers collègues,

L’examen de la réforme qui nous occupe aujourd’hui se déroule dans un contexte social particulier, celui d’un mouvement à la SNCF qui entre dans sa deuxième semaine.

Au delà de ces murs, il est nécessaire de nous faire entendre de nos concitoyens qui s’interrogent sur le sens d’une grève et donc sur le sens du projet qui nous occupe.

Alors quel est le sens de cette réforme?

D’abord revenir sur la loi Pons de 1997 qui fut conçue pour cantonner la dette ferroviaire hors des comptes de l’Etat mais qui a réussi cet exploit de ne réussir ni à contenir la dette ni à donner les moyens au système ferroviaire français de répondre à ses besoins.

Le résultat c’est au plan financier un déficit annuel moyen de 1,5 milliards d’euros et une dette de plus de 40 milliards.

Le résultat c’est au plan opérationnel un gestionnaire d’infrastructure indépendant, RFF, qui délègue ses attributions à un gestionnaire d’infrastructures délégué, SNCF Infra, qui lui refacture ses services… et en retour RFF se finance en facturant des péages à la SNCF. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…

Le résultat ce sont des doublons, des concurrences voire des conflits entre deux entités qui co-gèrent les infrastructures, des coûts inutiles de transaction entre deux structures publiques, des retards dans les projets, des procédures indéchiffrables pour les autorités organisatrices de transport, un morcellement des responsabilités qui conduit à prévoir l’achat de trains qui ne correspondent pas aux quais…

Alors c’est vrai, aujourd’hui tout le monde semble partager la nécessité de refonder ce système proprement kafkaïen. 17 ans plus tard, il n’y a plus dans cet hémicycle de défenseur de la loi Pons.

Mais ce serait trop simple si, à partir d’un constat commun, nous défendions tous la même réforme pour sauver notre système ferroviaire.

A l’UMP, le remède préconisé est connu, puisqu’il est proposé de l’administrer indifféremment à tous les maux : la pharmacopée de l’UMP – sans mauvais jeu de mots – se limite à une seule potion magique : l’ouverture à la concurrence ! Ainsi, le projet qui nous est soumis serait une occasion manquée d’aller au bout de la logique concurrentielle. Pour cela il suffirait de se limiter à réunifier la gestion de l’infrastructure. Le parti qui vient de réhabiliter le triumvirat nous dit qu’une codirection entre le président de la nouvelle SNCF mobilité et le président de La nouvelle SNCF réseau au sein d’un EPIC de tête SNCF ne s’impose pas. La création d’un « EPIC de tête » serait une « faute » parce que la reconstitution d’un groupe public fort est contraire aux dogmes libéraux.

Et pourtant au même moment, à propos du même projet de loi, des mêmes articles, les cheminots grévistes croient – au contraire – pouvoir déceler l’organisation d’une vente à la découpe du système ferroviaire !

La confusion atteint son paroxysme lorsque d’une même voix Sud rails, la CGT, et l’UMP par la voie de son nouveau secrétaire général, Luc Chatel, exigent le retrait du projet, mais pour des raisons diamétralement opposées !

Cette improbable coalition c’est celle qui depuis trop longtemps conduit à l’immobilisme. La solution la plus simple, Monsieur le Ministre, c’eut été de faire comme vos prédécesseurs, c’est-à-dire RIEN. La position est confortable, elle peut même être populaire. Il suffit de laisser se creuser les déficits et de regarder ailleurs. La dette ce sera pour les suivants, ou peut-être les suivants des suivants.

Mais cet immobilisme c’est celui qui conduit irrémédiablement au pire c’est-à-dire au démantèlement de notre système de transports publics qui est une composante à part entière du modèle social français.

Alors je sais qu’à gauche de cet hémicycle on me répondra dans quelques instants que la réforme est nécessaire, mais pas celle-là. Que trois EPIC même 100% publics, cela ne vaut pas un seul et unique EPIC.

La vérité, et le président Chassaigne le sait mieux que quiconque, cette réforme est le fruit d’un patient travail de 18 mois au cours desquels tout a été mis sur la table pour reconstituer un grand groupe public en veillant à l’euro-comptabilité du projet. La vérité c’est qu’ajourner la discussion de ce texte nous conduirait à attendre l’adoption du 4ème paquet ferroviaire au Parlement européen et à prendre le risque de nous voir imposer des contraintes qui n’existent pas aujourd’hui. La vérité c’est que en adoptant ce projet maintenant nous serons le maitre étalon et que si nous remettons à plus tard, nous passerons sous une toise qui nous interdira la reconstitution d’un grand groupe public.

On me dira encore que ce projet est fragile parce qu’il suffira que demain l’alternance joue – elle interviendra forcément un jour – pour que le nouveau pouvoir se contente de supprimer « l’EPIC mère » pour démanteler le nouveau groupe. Outre le fait qu’il n’est aucune loi qu’une autre loi ne puisse défaire, je veux dire que cette hypothèse de décapitation de l’EPIC de tête n’est pas la plus vraisemblable. D’abord parce que avec Gilles Savary, Rémi Pauvros et l’ensemble du groupe socialiste nous souhaitons avancer par nos amendements dans la voie d’une harmonisation du cadre social qui renforcera l’intégration du groupe; ensuite parce que les flux financiers qui proviendront de la future « SNCF mobilité » pour alimenter la future « SNCF réseau » nécessitent le maintien d’une EPIC mère qui coiffe les deux EPIC filles. Qui pourrait y renoncer ?

Voilà ma conviction, si nous faisons front commun pour que cette réforme aboutisse, puis se mette en oeuvre loyalement, nous aurons créé les conditions du redressement d’un système aujourd’hui à bout de souffle.

Les réformes structurelles, chacun les appelle de ses voeux, mais lorsque nous passons aux travaux pratiques, lorsqu’il faut faire preuve d’innovation pour dépasser l’existant, les soutiens s’étiolent.

Ce projet n’est pas une baguette magique, mais il répond au besoin de stabiliser la dette, comme à la nécessité d’une nouvelle gouvernance, en reconstituant un grand groupe public, tout en anticipant l’ouverture après 2020 de l’ouverture du marché voyageurs à la concurrence.

C’est beaucoup. Ce n’est sans doute pas encore assez et nos débats doivent permettre de progresser encore :

– En renforçant la règle d’or, c’est-à-dire en mettant fin à la facilité qui a conduit à décider de projets de nouvelles lignes sans financements assurés.

– En traitant le stock de dette, au delà de la stabilisation des déficits.

Sur le premier point il n’a échappé à personne que la règle d’or qui existe depuis 1997 n’a pas empêché la dette de RFF de croître. Le biais est toujours le même : une ligne nouvelle est envisagée. Les prévisions de trafics et donc de péages futurs sont surévaluées ce qui amène RFF à accepter des investissements supérieurs à ce qui correspond à un strict amortissement et au final une dérive financière accentuée. Pour éviter cela, le texte issu de la commission saisie au fond a considérablement renforcé la règle d’or.

Enfin, il faut traiter le stock de dette qui finira à terme par être requalifié en dette publique si on ne fait rien. Je souhaite l’ouverture d’un débat visant à la création d’une caisse d’amortissement qui pourrait en porter tout ou partie et pour laquelle il serait prévu un financement pérenne à l’image de la CADES pour la dette sociale. La création d’une telle caisse aurait en outre l’avantage de faire baisser les charges financières supportées par le GI (1,3 milliard d’euros) et permettrait de ce fait d’arriver réellement à l’équilibre financier du système.

Monsieur le ministre, vous l’avez dit, ce qui se joue aujourd’hui, c’est tout simplement l’avenir du système ferroviaire français, l’avenir du service public des transports. Vous savez que nous sommes à vos côtés pour servir cette grande et belle ambition.