Afghanistan : les conditions de notre présence

Afghanistan : les conditions de notre présence

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J’écoute ce matin Lionel Jospin sur France Inter interrogé sur l’Afghanistan. Je connaissais le sens de son propos pour avoir eu deux conversations avec lui sur le sujet. N’empêche. Il y a avait un ton particulier qui donnait à cet entretien une qualité inédite ces dernières semaines. Quel contraste entre la hauteur de vue exprimée, le sens de la responsabilité et la démagogie d’un Président qui explique que ceux qui ne votent pas comme lui sont ceux qui sont prêts à ce que les soldats morts le 18 août soient « morts pour rien« .

En proposant de voter « pour ou contre » la prolongation de la présence française en Afghanistan, Nicolas Sarkozy cherche à instrumentaliser une situation complexe à des fins de politique intérieure. La logique binaire « rester ou partir » n’a pourtant aucun sens. Partir aujourd’hui et laisser le président Karzaï face aux talibans et Al Qaeda, personne n’y songe. Mais annoncer, comme le gouvernement par la voix de Bernard Kouchner, que la présence alliée est sans limite de durée, n’en a pas davantage. C’est vouer les combattants alliés à se transformer progressivement, dans les têtes et dans les faits, en une armée d’occupation.

Une réorientation stratégique de la coalition alliée est urgente, faute de laquelle, la fin de l’histoire est déjà écrite : la victoire des talibans et la fuite inéluctable des soldats occidentaux, impuissants à gagner militairement sur l’ensemble du territoire et sous pression des opinions publiques qui n’accepteront pas longtemps le sacrifice de leurs enfants en échange d’impalpables résultats.

Cette issue constituerait un formidable échec et un retournement historique : En 2001, en état de légitime défense, les Américains firent tomber avec les Britanniques et l’Alliance du nord Afghane, le régime taliban. L’ONU autorisa ensuite le déploiement d’une force internationale d’assistance et de sécurité pour pallier la faiblesse des forces régulières afghanes. C’est sous mandat de l’ONU que la participation de la France fût actée, après consultation du Parlement, par J . Chirac et L. Jospin.

La décision prise par Nicolas Sarkozy, d’un alignement de nos objectifs sur ceux des Américains, s’est faite en dehors de tout débat. Il a fallu le 8 avril dernier que les socialistes déposent une motion de censure sur ce sujet pour que l’opinion publique soit alertée d’un changement qui a pour conséquence l’augmentation du nombre de nos soldats et l’élargissement de leurs missions.

L’absence de concertation ne serait rien si cette décision ne contredisait un bilan sévère : La sécurité en Afghanistan est plus précaire aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2001. La population, hier favorable, est de plus en plus incertaine. La construction d’un Etat est un chantier encore en jachère et la corruption mine ses fondements. L’armée afghane est faible, non représentative et traitée comme une force supplétive. Le président Karzaï en est réduit à dénoncer publiquement la mort de civils, victimes de bombardements de la coalition. Quant au développement, les donations annoncées périodiquement de conférences en conférences, peinent à se concrétiser. Seule l’économie de la drogue semble prospérer. L’enlisement est général : politique, militaire et diplomatique.

Alors que faire ? Les Américains sont prisonniers de leur logique alors même que la surenchère alimente le rejet de la coalition et le soutien aux fondamentalistes. Le gouvernement Français, alors qu’il avait la possibilité de négocier un changement de stratégie avant d’envoyer des troupes supplémentaires, s’est engagé dans un suivisme aveugle.

Le 22 septembre, les socialistes tenteront de recentrer le débat en exigeant, non pas un retrait, mais que soient fixées les conditions de la présence de la France . C’est cette voix que devrait emprunter un président de « rupture ».