Mégalopolis

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périphérique Paris

Christian Blanc a été préfet, PDG de la RATP et PDG d’Air France.

Pour l’observateur qui chercherait à comprendre la philosophie gouvernementale sur le projet dit du « Grand Paris » qui sera voté demain mardi, le pédigrée du secrétaire d’Etat chargé du développement de la région capitale peut lui donner matière à explication, car rarement un projet aura autant ressemblé à son concepteur : le projet du « Grand Paris » c’est tout simplement un métro automatique qui relie des aéroports entre eux et dont la maîtrise d’oeuvre échappe aux collectivités locales pour revenir exclusivement à l’Etat.

Christian Blanc partage avec Nicolas Sarkozy une même méfiance, vicérale, vis-à-vis des élus locaux. Comme le président de la République, il se pense seul à penser, et croit que si les maires, conseillers généraux et régionaux pensaient , ils penseraient mal et lui feraient perdre son temps.

Christian Blanc se présente en réincarnation du préfet Haussmann pour le XXIème siècle. Haussmann avait inventé la place de l’Etoile de laquelle partent douze avenues, Blanc a son grand huit, ce métro au tracé en double boucle. Il peut découper l’Ile de France à la hâche grâce à la protection de son Napoléon III. L’Histoire lui rendra hommage. Plus tard. Pour l’heure, il est inutile de se confronter à des franciliens qui raisonnent sans vision et des élus qui reproduisent la courte-vue de leurs électeurs…

Le baron Haussmann avait ses obsessions ; il aimait les grandes perspectives, les longues lignes droites, les axes structurants. Christian Blanc a ses fixettes. Il pense que l’urgence est à relier les « clusters« , ces pôles économiques, moteurs de croissance. Soyons beaux joueurs, l’idée n’est pas totalement absurde. Elle exprime le désir vraisemblable de celles et ceux qui, tombés d’un avion le soir, rasés ou épilés le matin dans la salle de bain de l’hôtel d’une chaîne internationale, brisés par le « jet lag » n’aspirent qu’à la rapidité : vite trouver la salle de conférence, rallier le lieu de réunion, avaler ce repas d’affaires et… repartir! Le « Grand Paris » n’est, dans cet esprit, qu’un HUB, un noeud de communication qui relie des territoires stratégiques et une opération marketing pour attirer les managers de l’économie monde, ceux qui baladent leurs hésitations entre Paris, Tokyo, Londres, Berlin et New York. Pour ceux qui ont vu le film de Sofia Coppola, tout ceci a une ambiance très « lost in translation« …

Le problème de Christian Blanc, c’est que l’Ile de France n’est pas Dubaï. Il ne s’agit pas de construire une mégapole à partir d’un ban de sable. La région capitale, ce n’est pas une île déserte. ce sont huit départements et près de 12 millions d’habitants. Ce sont eux qui prennent les transports matin et soir. Ce sont eux qui se déplacent quotidiennement de leur domicile jusqu’à leur lieu de travail. Ce sont eux qui malheureusement ne travaillent pas tous dans un « cluster« . C’est à eux que le « Grand Paris » devrait d’abord s’adresser.

Il existe un plan de mobilisation pour les transports en Ile-de-France, qui a l’approbation de tous les acteurs. C’est ce plan-là qui doit être la priorité et l’urgence. Les 21 milliards d’euros des 130 kilomètres de voies du « métro Blanc » ne doivent pas siphonner ce plan qui doit changer les conditions de déplacement des Franciliens sur leurs axes classiques.

Christian Blanc et Nicolas Sarkozy peuvent-ils entendre la colère des élus franciliens qui ne sont pas réellement concertés sur ce projet? Peuvent-ils prendre le temps du dialogue démocratique avant de se lancer dans un projet qui modifiera profondément l’Ile de France et mobilisera une bonne part des fonds disponibles pour le développement de la région?

Pour le moment le doute est permis tant l’impression qui domine est celle d’un « Grand Paris » dont la fonction première est d’offrir un miroir géant à ses modestes promoteurs.