Blog-notes N°10 – Sauver la joie

Blog-notes N°10 – Sauver la joie

Dans une République laïque, il n’est pas interdit de parler de religion, et notamment de religion des Droits de l’Homme. Quand nos aïeux révolutionnaires exposaient partout, dans toute salle délibérante, les tables de la Déclaration de 1789, pour bien faire comprendre que là était le centre des valeurs, et rien d’autre, ils voulaient poser des jalons irréversibles. Le règne de la personne humaine, l’entrelacement éternel de l’égalité et de la liberté. Valeurs irréversibles, que les avides de liberté nous envièrent et tentèrent de décliner, partout dans le monde… Jusqu’à ce que, périodiquement, avec le général Boulanger, avec Vichy, avec l’OAS, des vents mauvais, en France, ne remettent en cause les évidences chèrement acquises et s’acharnent à tirer notre pays lumineux vers l’âge des ténèbres. Jusqu’à 2024.

Si l’extrême-droite est si glaçante, c’est qu’elle nie trois siècles d’Histoire des libertés, d’émergence de l’individu en politique, de la protection de ses droits. Trois siècles de philosophie, de littérature et de poésie. Trois siècles de conquêtes populaires arrachées par la gauche, de valeurs et de joie. La prochaine panthéonisation serait-elle consacrée à la République elle-même, la Patrie reconnaissante ? Non, bien sûr, les Droits de l’Homme doivent vaincre dimanche. Les valeurs de l’humanisme, de l’égalité devant tout ce qui est grand et beau dans le monde, se déclinent en actes républicains, en convention européenne des Droits de l’Homme, en conventions internationales. La République, bien sûr, n’est pas assez sociale, et c’est la honte du pouvoir actuel d’avoir ignoré nos augures qu’une politique sociale était urgente, très urgente et redonner confiance dans la politique et la loi.

Mais demain, avec le vote Nouveau Front populaire, il est à la fois possible de ne pas jeter la République et de recoudre les fractures, nées de la déception sociale. L’extrême-droite trompe. Elle veut détruire les libertés publiques mais promet des progrès sociaux. Or, depuis le 9 juin, nous assistons, médusés, au retrait programmatique de ses promesses auprès des plus défavorisés à la faveur du grand patronat. Elle ne sait pas faire, elle n’a pas le courage de froisser les puissances financières. De social, il ne restera rien le 7 juillet. De la destruction de nos libertés, il restera tout. La Déclaration des Droits n’a rien d’une abstraction. Elle a non seulement apporté les espoirs, les droits, la hausse du niveau de vie, les partages et la Sécurité sociale, mais aussi le droit au bonheur pour tous, le droit au rire et à l’amitié pour tous les citoyens. Le droit à la joie, cette joie dont Camus écrivait qu’elle était une brûlure. Mais quelle sublime conquête des peuples d’avoir permis à tous, riches comme pauvres, établis comme perdus, d’avoir accès à cette foudre ! Sauvons dimanche le sourire populaire, les éclats de rire des travailleurs, des enfants, des cœurs ardents. Voter dimanche comme on chante un hymne à la joie.