Blog-notes N°9 – Je vous écris en cette nuit du 4 août
Je vous écris en cette nuit du 4 août 2023, loin de celle, illustre, du 4 août 1789.
Cette folle nuit où les députés des trois ordres, Tiers-Etat, Noblesse et Clergé, abolissent les privilèges, vient après ces journées que l’on a nommées celles de la « Grande peur », phénomène aussi bref qu’intense.
Pendant trois semaines, dans tout le pays les paysans se soulèvent, pillent les seigneuries. Les motifs de ce soulèvement relèvent pour une large part de la rumeur dans un contexte de forte inflation et de mauvaises récoltes. L’impatience des annonces résultant des Etats Généraux échauffent les esprits des ventres vides.
Les appels au calme se multiplient. Le Duc de Noailles, député de la noblesse, en appelle à la tranquillité publique. Bailly, Député du Tiers-Etat, en appelle aussi à l’apaisement, entendu comme un préalable : la réduction de la tension sociale, nécessaire à toute réorganisation.
Car comment obtenir un retour durable à la tranquillité ? Loin d’une réponse sécuritaire, cette nuit-là, c’est le vent de l’Histoire qui traverse la nouvelle Assemblée nationale.
Écoutons le Duc d’Aiguillon, député de la noblesse et plus grande fortune après le Roi : « Messieurs, il n’est personne qui ne gémisse des scènes d’horreur dont la France offre le spectacle. (…) Ce ne sont point seulement des brigands qui, à main armée, veulent s’enrichir au sein des calamités: dans plusieurs Provinces, le Peuple tout entier forme une espèce de ligue pour détruire les Châteaux, pour ravager les terres, et surtout pour s’emparer des chartriers, où les titres des propriétés féodales sont en dépôt. Il cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête et, il faut l’avouer, Messieurs, cette insurrection, quoique coupable, car toute agression violente l’est, peut trouver son excuse dans les vexations dont il est la victime. »
Cette nuit du 4 août, l’Assemblée interrompt le débat sur la constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour répondre à l’urgence, celle de penser à un nouvel ordre social et politique. Aristocrates, clercs, bourgeois suspendent leurs profonds désaccords, considérant, selon les termes du Duc d’aiguillon que « le premier et le plus sacré des devoirs de l’Assemblée nationale est de faire céder les intérêts particuliers et personnels à l’intérêt général »
En cette nuit, les élus des trois ordres « vivent dans une intense émotion quelques heures d’unanimité », fondant un nouvel ordre politique. En l’espace de quelques heures, les représentants du royaume dessinent les contours du commun, celui du peuple français. Par une nouvelle répartition des richesses à travers une réforme de la fiscalité, de la cave au grenier.
Le président de la République vient d’annoncer une initiative politique d’ampleur à la fin du mois d’août. Chiche !
Il veut réunir la Nation. Chiche !
Depuis 1789, d’autres noblesses, d’autres féodalités, d’autres privilèges ont succédé à ceux de l’ancien régime. Remettons tout à plat !
Les défis devant nous sont immenses. Rompre le cercle des inégalités qui se transmettent génération après génération, engager la bifurcation écologique pour éviter la catastrophe climatique, démocratiser nos institutions pour les sortir du pouvoir personnel, interdire la concentration des médias et assurer l’indépendance des journalistes…
La liste est longue. Nous y sommes prêts. Toute la gauche y est prête.
En revanche toute initiative de diversion et de division se heurtera à notre refus.