M. le Premier ministre, les mesures annoncées contre la culture sont incompréhensibles et dramatiques

M. le Premier ministre, les mesures annoncées contre la culture sont incompréhensibles et dramatiques

Avec les députés socialistes j’ai co-signé cette interpellation au Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre,

Les mesures que vous avez annoncées vendredi dernier pour la culture, ou plutôt, contre la culture -en l’absence même de votre ministre de la culture qui avait pourtant soutenu un effort budgétaire- sont incompréhensibles, incohérentes et dramatiques.

Incompréhensibles car, une nouvelle fois, vous vous obstinez à ne pas entendre la détresse des acteurs de ce vaste secteur qui se sont pourtant organisés pour mettre en place toutes les mesures sanitaires nécessaires afin d’éviter les contaminations. Masques obligatoires, jauges limitées, modification des flux, messages de prudence… pour la plupart, ils se sont réinventés au prix d’efforts humains, organisationnels, technologiques et financiers énormes. En refusant d’autoriser les acteurs de la culture à ré-ouvrir leurs espaces alors qu’ils avaient pris toutes leurs responsabilités, votre gouvernement fait la sourde oreille à la voix de millions d’entre nous.

Incohérentes car, à l’évidence, les règles que vous avez édictées tournent à l’absurde! Expliquez-nous vos décisions:

– Nous déplacer en voiture ou dans les transports en commun, en TGV, en métro et en bus où nous sommes assis les uns à côté des autres, OUI, mais aller au cinéma malgré la distanciation, NON!

– Travailler dans des lieux fermés, OUI, mais aller au théâtre ou au concert, NON!

– Envoyer nos enfants à l’école et en cours dans des classes où l’espace disponible est loin d’être celui recommandé, OUI, mais aller au musée ou dans des salles de sport, NON!

– Faire nos courses dans les grandes surfaces, OUI, mais pratiquer nos activités artistiques, sportives, associatives, NON!

– Nous rendre dans des lieux de culte, et y chanter OUI, pratiquer le chant choral, NON!

Où est la cohérence espérée monsieur le Premier ministre?

Dramatiques enfin car vous semblez avoir décidé depuis des mois maintenant que les acteurs culturels n’étaient pas essentiels à notre quotidien. C’est, à nos yeux, une grave erreur que vous faites là avec le Président de la République.

Au-delà des conséquences économiques et sociales que tous les responsables s’accordent à déplorer et à craindre, et que vous ne pouvez ignorer, c’est tout simplement notre désir de vivre ensemble, autrement qu’en simple consommateur que vous décidez de nier.

Pour tenter de justifier ces décisions, vous avez mis en avant l’effet “yoyo” qui pourrait venir fragiliser nos scènes culturelles, mais depuis des mois la chaîne entière de la création culturelle doit se battre pour ne pas couler, et attend une hypothétique réouverture. Vous avez annoncé des mesures financières afin d’amortir les conséquences de vos annonces, elles ne suffiront pas à rassurer et à redonner un peu de visibilité, de confiance.

N’avez-vous pas compris qu’une vie sans rêve, sans “ailleurs”, sans fenêtre ouverte sur le monde finit par être désespérante? Que nous ne sommes pas seulement malades de la Covid-19 mais encore plus de la solitude, de l’absence de relations humaines qui ne soient pas virtuelles?

N’avez-vous pas compris que vous privez nos concitoyens en plus du plaisir du spectacle, de quelque chose d’essentiel qui est la capacité à transmettre, à faire partager, à illuminer le quotidien?

Ne comprenez-vous pas que nous avons un besoin vital de contact avec la beauté, avec l’émotion, avec les visions partagées du monde?

Ne comprenez-vous pas que la richesse de nos territoires ne se mesure pas seulement à l’aune de l’activité industrielle et marchande qu’elle produit mais aussi à la diversité des projets artistiques que les femmes et les hommes du pays de l’exception culturelle se battent inlassablement pour faire vivre?

C’est notre ligne d’horizon que vous avez choisi d’obscurcir, notre respiration dans cette période de tourments et d’insécurité de toutes sortes que vous nous refusez. Avec pour seule consolation l’hypothétique date de revoyure au 7 janvier, vous abandonnez au doute, à la colère et à la tristesse toutes celles et ceux, passeurs de culture, dont l’engagement à nos côtés accompagne nos doutes et nos espoirs.

 

Les signataires de cette tribune sont:

Michèle VICTORY, Députée de l’Ardèche

Olivier FAURE, Député de Seine-et-Marne 

Régis JUANICO, Député de la Loire

Sylvie TOLMONT, Députée de la Sarthe

Josette MANIN, Députée de Martinique

Joël AVIRAGNET, Député de Haute-Garonne

Marie Noëlle BATTISTEL, Députée de l’Isère

Gisèle BIEMOURET, Députée du Gers

Jean-Louis BRICOUT, Député de l’Aisne

Alain DAVID, Député de Gironde

Laurence DUMONT, Députée du Calvados

Guillaume GAROT, Député de Mayenne

David HABIB, Député des Pyrénées-Atlantiques

Christian HUTIN, Député du Nord

Chantal JOURDAN, Députée de l’Orne

Marietta KARAMANLI, Députée de la Sarthe

Jérôme LAMBERT, Député de Charente

Gérard LESEUL, Député de Seine-Maritime

Serge LETCHIMY, Député de Martinique

Philippe NAILLET, Député de La Réunion

Dominique POTIER, Député de Meurthe-et-Moselle

Christine PIRES-BEAUNE, Députée du Puy-de-Dôme

Claudia ROUAUX, Députée d’Ille-et-Vilaine

Isabelle SANTIAGO, Députée du Val-de-Marne

Hervé SAULIGNAC, Député de l’Ardèche

Cécile UNTERMAIER, Députée de Saône-et-Loire

Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, députée de la Guadeloupe

Boris VALLAUD, Député des Landes