Entretien « Nous sommes à un tournant, beaucoup trop de pyromanes se déguisent en pompiers »

Entretien « Nous sommes à un tournant, beaucoup trop de pyromanes se déguisent en pompiers »

Voici mon entretien donné au magazine Marianne au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty.

 

Marianne : Qu’attendez-vous du chef de l’Etat et du gouvernement dans les prochains jours après ce drame ?

Olivier Faure : L’horreur absolue de ce crime suppose une réaction d’unité de la nation. C’est l’école républicaine, laïque et émancipatrice qui a été visée par ce terroriste fanatisé par l’islamisme radical. C’est l’enseignement la cible, et Samuel Paty la victime expiatoire. Le mobile, c’est la volonté de faire obéir la République à un ordre supérieur. Nous sommes à un tournant. Notre réaction doit être puissante. On ne touche pas aux enseignants qui transmettent notre socle commun de valeurs ! Pour toutes ces raisons, je souhaite déjà que l’on ne se limite pas à un hommage. Je demande au chef de l’Etat d’associer l’ensemble des Françaises et des Français à des obsèques nationales et que soit décrété un deuil national. Ensuite, il faut prendre des mesures résolues pour que nos enseignants puissent exercer leur mission hors de la pression des parents. Il n’est pas tolérable qu’ils puissent être lynchés sur les réseaux sociaux et désignés à la vindicte. Enfin, leur hiérarchie doit les soutenir, les protéger et traduire en justice ceux qui consciemment ou inconsciemment mettent en danger nos professeurs.

Quelle réponse doivent adopter les partis politiques ?

Chacun doit balayer devant sa porte. La tolérance ne doit pas conduire au déni. La fermeté ne doit pas se confondre avec la fermeture.

Vous avez eu des mots forts contre la « barbarie fanatique » après l’attentat. Est-ce une faillite collective de la société française, 5 ans après Charlie ?

Non. Certains ont pu croire que le combat contre le terrorisme islamiste était derrière nous. Mais non. Aujourd’hui, c’est l’école qui a été la cible, c’est-à-dire le premier maillon dans la chaîne de transmission des valeurs de la République. Il ne faut pas baisser la garde. Personne ne peut prétendre vaincre l’hydre fanatique en quelques semaines ou mois. Le combat contre l’islamisme radical sera long et nous le mènerons sans renier nos principes.

La question de la laïcité et de la liberté d’expression fait débat à gauche. Sans rendre qui que ce soit coupable de cet assassinat, une partie de la gauche porte-t-elle une part de responsabilité dans le recul des principes républicains ?

Les responsabilités sont nombreuses. A gauche comme à droite. Il faut que cet horrible meurtre soit un tournant. Il faut traiter les symptômes comme les causes du mal. D’une part, il ne peut y avoir aucune complaisance vis-à-vis de ceux qui se construisent contre la République des Lumières et qui instrumentalisent jusqu’à l’antiracisme. D’autre part, il ne peut plus y avoir un discours sur les ghettos sans mettre les moyens de la mixité et de la lutte contre les discriminations territoriales, sociales, d’origine. Et tous les séparatismes doivent être combattus. Il y a beaucoup trop de pyromanes qui se déguisent en pompiers. Cet « en même temps » est en vérité le seul qui vaille parce qu’il n’est pas un balancement qui relativise tout mais la volonté de prendre le sujet des branches à la racine !

À plus long terme, la loi contre le séparatisme vous paraît-elle appropriée pour lutter contre le péril islamiste ? Que préconisez-vous ?

Pour le moment nous n’en connaissons pas grand-chose. Nous sommes disposés à apporter notre concours pour à la fois renforcer les moyens de lutter contre les messagers de la haine et réduire le terreau social fertile qui les fait prospérer en remettant la promesse républicaine et les services publics au cœur des politiques publiques dans les territoires abandonnés.
S’il peut s’avérer utile par endroits de renforcer l’arsenal répressif, il est surtout nécessaire aujourd’hui d’appliquer la loi, toute la loi et les moyens qu’elle permet déjà pour lutter contre les séparatismes. À ce titre, il faut ouvrir la voie à la dissolution de toutes les associations – parées parfois d’un vernis caritatif – qui se constituent dans le but réel de diffuser et entretenir la haine, comme nous le faisons pour les groupuscules d’extrême droite.

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