Appel européen : trois solutions pour le climat et l’emploi

Appel européen : trois solutions pour le climat et l’emploi

J’ai co-signé cet appel lancé par plus de 700 jeunes activistes, climatologues, syndicalistes, économistes, entrepreneurs et élus locaux, nationaux et européens de premier plan et des 27 États membres, avec le soutien de plus d’un million de citoyens.

 

« A Madame von der Leyen, Présidente de la Commission européenne,

Aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne,

Notre société est confrontée à un choc d’une incroyable brutalité. L’urgence est de sauver des vies, bien sûr, et de sauver un maximum d’emplois. Mais cette crise ne peut pas nous faire oublier l’urgence climatique. Plus que jamais, il est temps de construire un nouveau Pacte Européen pour le Climat et l’Emploi.

Les dernières semaines ont été totalement sinistres, mais nous avions tous de l’eau potable dans nos maisons, nos entreprises et nos hôpitaux… Que se passera-t-il si le changement climatique s’aggrave et si, dans 15 ou 20 ans, la nappe phréatique de certaines grandes villes est vide pendant plusieurs mois ?

Le « Green Deal » est la meilleure façon de procéder aux véritables changements dont l’Europe a besoin pour pouvoir se remettre de la crise du coronavirus, créer des millions d’emplois et construire l’économie la plus résiliente possible. Mais pour être efficace, ce Green Deal a besoin d’un financement pérenne.

Nous sommes des étudiants, climatologues, économistes, syndicalistes, entrepreneurs, élus locaux, nationaux et européens, (anciens) députés, (anciens) ministres et premiers ministres, citoyennes et citoyens d’horizons très divers. Nous sommes convaincus que la transition écologique est non seulement une question de survie, mais également l’opportunité pour l’Europe de se réinventer et de se renforcer au sortir de la crise du COVID-19.

L’urgence environnementale, on le sait, requiert d’isoler tous les bâtiments, développer massivement les transports en commun et les énergies renouvelables, transformer notre modèle d’agriculture, protéger la biodiversité, protéger et nettoyer les forêts et l’océan, et développer des politiques d’adaptation et de réparation. Mais tous ces projets, aussi pertinents et rentables à long terme soient-ils, se heurtent au même obstacle : qui va payer ?

L’an dernier, alors qu’elle travaillait encore sur un objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % seulement pour 2030, la Commission européenne estimait que l’atteinte de ces objectifs nécessitait 260 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année. En 2016 déjà, elle avait estimé que le déficit d’investissement atteindrait 529 milliards d’euros par an à partir de 2021 (investissement public et privé), si l’on visait une baisse de 47 % des émissions pour 2030. Aujourd’hui, avec un objectif plus ambitieux (une réduction de 55 %), le besoin d’investissement apparaît encore plus important.

Les engagements de la Commission européenne pour financer le « Green Deal » sont très éloignés de ces montants. Afin de gagner la bataille du climat, nous vous appelons solennellement à reconnaître l’état d’urgence climatique et à inclure des solutions crédibles pour financer un véritable Green Deal, comme l’un des principaux piliers du plan de relance européen.

Afin de créer une dynamique internationale, l’UE doit convenir d’un objectif climatique renforcé pour 2030, conformément à la science, à l’équité et à l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris, et ce, bien avant la COP26. Mais pour que les États membres se mettent d’accord sur ce point, il faut trouver des solutions nouvelles pour financer cette transition.

C’est pourquoi nous proposons 3 solutions, qui nous semblent capables de faire largement consensus.

1. Pour diminuer drastiquement notre consommation d’énergies fossiles, nous devons stopper toutes les subventions et tous les investissements fossiles. La Loi Climat européenne que vous préparez doit assurer l’interdiction des subventions aux énergies fossiles dans tous les États membres. Elle doit aussi garantir la transparence de toutes les banques (privées et publiques) et sociétés d’assurance agissant sur le territoire européen quant à l’ensemble de leurs activités, en organisant progressivement la fin des investissements fossiles. En 2010, pour lutter contre l’évasion fiscale, Barack Obama a fait adopter la loi FATCA, qui fermait le marché américain aux banques qui n’étaient pas totalement transparentes pour le fisc américain. De même, pour lutter contre le dérèglement climatique, il faut pour l’Europe une « loi FATCA-Climat », qui réserve le marché européen aux banques et sociétés d’assurances qui auront réorienté leurs investissements en cohérence avec l’urgence climatique.

2. La Banque Centrale Européenne a créé 2 600 milliards d’euros depuis 2015. Seuls 11 % de ces sommes colossales sont allés à l’économie réelle, le reste est allé pour l’essentiel à la spéculation. Pour 2020, outre les centaines de milliards qu’elle va créer pour faire face à la crise du Covid, la BCE va créer 240 milliards supplémentaires. Il est essentiel d’investir la totalité de ces milliards dans le climat et l’emploi. Ces milliards doivent alimenter une véritable Banque européenne du Climat et de la Biodiversité – qui accorderait des prêts à taux zéro à chaque État membre (jusqu’à 2 % de son PIB chaque année pendant 30 ans, comme l’a suggéré Nicholas Stern en 2008, ce qui représenterait 300 milliards d’euros par an pour l’ensemble de l’UE).

3. Si chaque famille, chaque petite entreprise et chaque territoire doit investir dans une profonde transformation zéro carbone, les prêts sans intérêt ne suffiront pas. Pour avoir un effet catalyseur, les prêts doivent être complétés par des subventions publiques. Le taux moyen d’imposition des sociétés en Europe a diminué de moitié en quarante ans (passant de 45 % à 19 %). Un impôt européen de 5 % sur les bénéfices des grandes entreprises (qui peut être ajusté en fonction de leur empreinte carbone), combiné à d’autres ressources propres, rapporterait 100 milliards d’euros par an pour alimenter un véritable Budget européen pour le Climat et la Biodiversité. Ces 100 milliards d’euros supplémentaires nous permettraient de franchir le seuil des 50 % du budget européen consacré au climat et d’accélérer la transition dans le public comme dans le privé.

Ces trois solutions permettraient de disposer de suffisamment d’argent pour financer une transition juste qui serait équitable pour les travailleurs et les citoyens. Elles permettraient au Green Deal de créer plusieurs millions d’emplois en Europe et d’améliorer les revenus de millions de familles (économies sur les dépenses de chauffage et de transport). Face à l’urgence climatique, quelles que soient nos tendances politiques, nous devons mettre tout en œuvre pour faire réussir ce Green Deal.

Madame von der Leyen, en juillet dernier, vous affirmiez devant le Parlement que vous étiez inspirée par « la passion, la conviction et l’énergie de ces millions de jeunes qui ont fait entendre leur voix dans nos rues et ont trouvé le chemin de nos cœurs ». Et vous ajoutiez : « Il est le devoir de notre génération de ne pas les décevoir ».

L’Union européenne est née avec le charbon et l’acier.

Elle peut renaître avec un Pacte Européen pour le Climat et l’Emploi !

Nous invitons chaque citoyenne, chaque citoyen d’Europe, à se joindre à cet appel sur le site climateandjobs.eu où sont également disponibles les sources des chiffres cités ci-dessus. »