Sécurisation de l’emploi : intervention en discussion générale

Sécurisation de l’emploi : intervention en discussion générale

Olivier Faure est intervenu mardi 2 avril dans le cadre de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi.

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Discours

M. Olivier Faure. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer les résultats d’une négociation exemplaire conclue le 11 janvier dernier et dont nous examinons ce soir la transcription législative.

Nous sommes dans une situation particulière, à bien des égards inédite, parce qu’il faut remonter quelques décennies en arrière pour retrouver trace d’un accord aussi important pour le droit du travail.

Comme tous les parlementaires, je suis attaché à la souveraineté du Parlement. Comme nombre d’entre vous, je suis également attentif à ce que la démocratie sociale trouve sa place. Dès lors, tout au long de l’examen de ce texte, pourrait se poser le dilemme suivant : comment ne pas transformer notre assemblée en chambre d’appel, au risque de tuer toute négociation ultérieure, et comment, inversement, ne pas transformer notre assemblée en chambre d’enregistrement ?

Cette tension a été résolue de la meilleure manière qui soit. À cet égard, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre rapporteur Jean-Marc Germain. Nous n’avons rien abdiqué de nos droits, mais nous avons respecté les orientations qui se sont dégagées lors de la discussion.

Mes chers collègues, la principale raison pour laquelle ce dilemme n’a pas été difficile à surmonter réside tout simplement dans la nature de l’accord. J’ai entendu, tout à l’heure, notre collègue Chassaigne déplorer, de sa voix forte, qu’il s’agissait d’un accord régressif. J’ai même entendu certains de ses amis parler hors de cet hémicycle d’un accord « made in Medef ». Je voudrais lui rappeler que, depuis vendredi dernier, nous savons que c’est un accord majoritaire parmi les syndicats de salariés. Surtout, il n’existe pas d’accord que l’on puisse conclure entre soi, la négociation sociale supposant forcément de négocier avec le patronat.

Dès lors, la seule question qui vaille est la suivante : sommes-nous en présence d’un bon ou d’un mauvais accord pour les salariés comme pour les entreprises – car il est illusoire de vouloir chercher à opposer définitivement les intérêts des uns aux besoins des autres ? Si on le compare au code du travail idéal, M. Chassaigne a certainement raison : les avancées ne sont jamais suffisantes, les concessions toujours trop importantes, le recours à la négociation toujours moins sécurisant que la rigidité de la loi. Mais si l’on veut bien comparer l’accord national interprofessionnel au droit existant, alors tout s’inverse, car c’est la logique même des relations du travail qui est revue.

Les salariés sont associés en amont à la stratégie de l’entreprise. L’information dont ils disposeront désormais les conduira à sonner l’alarme quand il est encore temps et plus seulement à chercher à limiter la casse quand le ressort est brisé.

Dans cette dernière hypothèse, les plans sociaux ne seront plus le fait unilatéral de l’employeur, sous réserve d’informer les institutions représentatives du personnel. Ils devront faire l’objet d’un accord majoritaire dans l’entreprise – et il faut faire confiance aux forces syndicales pour ne pas galvauder leur signature. Si cet accord n’est pas trouvé, c’est l’homologation de l’administration qui devra être recherchée. La puissance publique pourra alors agir sur le reclassement, la formation et même proportionner le coût des licenciements aux capacités contributives de l’entreprise. En d’autres termes, et je le dis à Mme Boistard, elle pourra dissuader les licenciements boursiers en en renchérissant le coût. Et le recours au juge administratif ou prud’homal demeurera.

De leur côté, les droits individuels – qu’il s’agisse de la généralisation de la complémentaire santé, de la pénalisation des contrats précaires, du temps minimal pour les temps partiels, des heures complémentaires pour ces mêmes contrats, des droits rechargeables à l’assurance chômage pour que le retour à l’emploi ne soit plus un risque mais une chance, ou du droit individuel à la formation pour qu’elle concerne enfin ceux qui en ont besoin – pourront être discutés. Il est bien entendu possible de dire que certaines zones demeurent floues, que certains droits sont encore insuffisants, que certaines pénalités ne seront pas assez fortes pour modifier les comportements. Mais ce que personne ne peut dire, c’est que ces droits sont en régression par rapport à la situation actuelle.

Pour se convaincre du caractère négatif de l’accord, certains, à gauche, nous disent que si la droite se félicite de l’accord, c’est qu’il y a un loup. La vérité c’est que, si la droite feint de se réjouir, c’est qu’elle est placée devant une situation très inconfortable. Ce qu’elle n’a pas organisé pendant les cinq dernières années en méprisant les corps intermédiaires, elle se dépêche de l’avaliser pour tenter d’en récolter les fruits et elle n’espère qu’une chose : voir la gauche se diviser sur ce sujet pour mieux se poser en défenseur d’un dialogue social qu’elle n’a jamais su organiser.

La vérité, c’est que cet accord répond aujourd’hui à une situation de crise et qu’il offre les moyens aux entreprises de sauver l’essentiel c’est-à-dire l’emploi. La vérité, c’est que ces souplesses sont encadrées par une obligation de négocier. La vérité, c’est que cet accord consacre de nouveaux droits et de nouvelles garanties pour les salariés. La vérité, surtout, c’est que cet accord est la traduction d’un rapport de force à un moment T, qu’il correspond à une situation économique et que l’histoire sociale ne s’arrête pas ce soir.

Ce texte est une étape importante, un succès parce qu’il a permis de dépasser des blocages décennaux. Il appellera d’autres étapes, dès lors que nous savons respecter les résultats du dialogue social. Il appellera d’autres succès, dès lors que nous voulons bien comprendre que ce qui est négocié, ce qui est accepté, a plus de chance d’être appliqué que ce qui est imposé.

C’est une autre façon de concevoir les rapports sociaux. C’est celle de ce Gouvernement. Et, monsieur le ministre, je voulais, ce soir, vous en remercier.