Budget transport 2016 – Discours en commission élargie

Budget transport 2016 – Discours en commission élargie

Olivier Faure, rapporteur spécial du budget relatif aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires a présenté jeudi 5 novembre les grandes orientations pour la loi de finances 2016. Il a notamment interpellé le Ministre sur l’avenir du financement de l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France).

 


Budget transports 2016 – discours d’Olivier… par olivierfaure

Monsieur le Ministre,

Messieurs les Présidents,

Mes chers collègues,

Je voudrais entamer mon propos par deux rappels :

Le premier : la France accueillera du 30 novembre au 11 décembre prochain la COP 21. L’enjeu, chacun le connait, est de parvenir à un accord signé par l’ensemble des pays membres, qui limite le changement climatique à deux degrés d’ici la fin du siècle.
Or, les transports publics ne représentent que 1 % du total des émissions de dioxyde de carbone produits en agglomération. La démonstration n’est plus à faire, il faut donc développer les transports collectifs.

Le second point que je voulais aborder est lié au débat actuel sur le code du travail.
Le législateur s’est beaucoup intéressé au cours du XXème siècle à la relation de travail. Et il a eu raison.
Je ne vous propose pas cet après-midi de rajouter quelques pages au code mais de prendre en considération une réalité quotidienne de millions de salariés pour lesquels avant le travail et après le travail, il y a le temps de passé dans les transports.
Il m’arrive très, trop régulièrement de rencontrer des salariés pour lesquels le temps de trajet est équivalent au temps de travail !
D’où l’importance que nous devons apporter à cette mission pour assurer sécurité, régularité, ponctualité, accessibilité et confort minimum à ces citoyens.
C’est la condition d’une réduction drastique de la pollution dans nos villes. C’est la possibilité d’ouvrir droit à une mobilité quotidienne de qualité.
C’est l’intérêt de la planète, c’est l’intérêt des salariés, c’est l’intérêt des entreprises qui les emploient.

Ceci posé, venons-en à l’action 10 du programme 203, dont je suis chargé de rapporter les crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires.
Cette action est le « poids lourds » du programme, puisqu’avec 2,48 milliards d’euros, elle concentre 77 % des crédits du programme et quasiment la moitié des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Je tiens d’abord à exprimer ma satisfaction concernant la stabilité des crédits par rapport à 2015, stabilité résultant de la sacralisation du concours versé à SNCF Réseau pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire, qui constitue l’exclusivité des crédits de l’action 10 suite à la suppression de la subvention budgétaire allouée à l’AFITF, en 2015. Ces crédits permettront ainsi de poursuivre les opérations de modernisation et de maintenance du réseau.

Toutefois, je tiens à vous faire part d’une certaine inquiétude – un rapporteur qui ne s’inquiète pas est un rapporteur qui dort – concernant l’AFITF. En effet, s’il faut se réjouir de la pérennisation de la nouvelle ressource provenant de l’attribution d’une part du produit de la TICPE, comment ne pas s’alarmer de voir cette dernière diminuer sensiblement à 715 millions d’euros, soit une baisse de 37,2 % par rapport à 2015 ?
Le budget de l’agence n’atteint ainsi que 1,9 milliard d’euros mettant en péril le financement du scénario n° 2 de la Commission « Mobilité 21 », pourtant soutenu par le Gouvernement et hypothéquant le financement des engagements pluriannuels des nouveaux CPER.
Dans ce contexte, j’avais déposé, lors de l’examen de la première partie PLF, un amendement visant à relever de 2 centimes d’euro supplémentaires par litre de gazole le niveau de TICPE en 2016.
Je l’ai retiré suite au dépôt d’un amendement du Gouvernement prévoyant d’augmenter de 1 centime d’euro le litre de gazole et de diminuer d’1 centime d’euro, le prix de l’essence. Je me félicite de la convergence progressive de la fiscalité des carburants, et du signal prix ainsi adressé au marché qui met fin à l’incitation des pouvoirs publics à rouler au diesel. Mais je m’interroge sur l’utilisation du solde de 245 millions d’euros, résultant du différentiel entre consommation de diesel et d’essence.
Le gouvernement a décidé d’affecter cette ressource à la neutralisation de la suppression de la demi-part des veuves votée en 2008. Personne n’en contestera donc l’utilisation. Mais ne serait-il pas plus « naturel » de consacrer ces recettes de fiscalité écologique au financement d’alternatives à la voiture diesel notamment ?
Si les annonces du gouvernement ne sont pas contredites l’an prochain par une hausse soudaine du prix du baril, ne serait-il pas plus judicieux de consacrer les recettes tirées de la hausse progressive de la TICPE au financement d’une part de nos infrastructures via l’AFITF, et d’autre part à l’augmentation de bonus écologique pour l’achat de véhicules propres ou à la création de crédits d’impôts pour l’adjonction de filtres à particule pour les particuliers qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule ?
Poser la question c’est d’une certaine façon y répondre… Dans ce combat intra gouvernemental et inter administration, vous aurez Monsieur le Ministre besoin de nous et je tiens à vous assurer tout mon soutien face à des forces qui ne sont pas celles du mal mais qui sont parfois obscures.

Par ailleurs, je me réjouis de l’accroissement des compétences dévolues à l’Arafer suite à l’adoption de la loi Macron, qui va désormais pouvoir contrôler les pratiques des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Afin de mener au mieux ces nouvelles missions, l’Autorité a évalué à 17, le nombre d’ETPT supplémentaires qui devrait lui être alloué. Je note que le Gouvernement a déposé un amendement visant à relever de 5 ETPT le plafond actuel d’emplois. Cet effort est louable mais paraît néanmoins insuffisant au regard des besoins de l’Autorité, j’y reviendrais lors de la discussion de votre amendement.
Est-il prévu, Monsieur le Ministre, d’accorder dans un deuxième temps des moyens supplémentaires tant humains que financiers, à l’Arafer ?

Enfin, je tiens à saluer le travail toujours remarquable effectué par notre collègue Philippe Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire qui a conduit le Gouvernement à dégager une feuille de route ambitieuse.
En effet, l’État, autorité organisatrice des transports pour ces lignes, s’était trop longtemps désengagé et a trop tardé à admettre que l’offre, extrêmement déficitaire, n’était clairement plus adaptée aux besoins de mobilité actuels.
C’est une part non négligeable des transports du quotidien qui est ainsi en péril et qu’il importe de sauver. La signature prochaine d’une nouvelle convention entre SNCF Mobilités et l’État devrait conduire enfin ce dernier à assumer pleinement la mission qui est la sienne, ce dont je me félicite. Par ailleurs, le renouvellement du matériel roulant est tout autant urgent que nécessaire.
Je salue l’ambition du Gouvernement d’assurer ce renouvellement d’ici à 2025 pour un montant d’investissement de 1,5 milliard d’euros. J’aimerais cependant savoir dans quel cadre seront réalisés ces achats ? Pour ma part, je considère qu’ils devraient être prioritairement réalisés sur la base du contrat cadre signé avec Alstom car la multiplication des appels d’offres sur le matériel roulant constitue un motif de surcoût récurrent. Et quand l’Etat honore sa signature, c’est une garantie pour les industriels qui se répercute à la baisse sur leurs prix. Et inversement…

Voilà Monsieur le Ministre ce que je voulais vous dire aujourd’hui : plus c’est mieux que moins. Mais mieux n’est pas forcément synonyme de bien. Nous sommes donc pleinement à vos côtés pour que votre ministère qui est celui de la vie quotidienne ait les moyens de ses ambitions.

Je vous remercie.