Le référendum multiquestions : une proposition pour une République exemplaire

Le référendum multiquestions : une proposition pour une République exemplaire

Olivier Faure faisait cette proposition depuis plusieurs semaines, le contexte actuel la rend  urgente : le référendum à questions multiples permettrait une application effective de  la République exemplaire promise par Françoise Hollande. Voici la tribune cosignée par Olivier Faure et 9 de ses collègues.

 

« Le président de la République s’est engagé lors de sa campagne à faire de notre pays une « République exemplaire ». Cinq ans après la promesse non tenue de son prédécesseur d’une « République irréprochable » et dans la crise que nous vivons, l’enjeu dépasse l’exigence à l’égard de la gauche. C’est la politique elle même qui doit reconquérir la confiance de nos concitoyens.

Surmonter les défis, les doutes et les dégâts causés par la mondialisation est autant affaire de démocratie que d’économie. En EuropeFrançois Hollande l’a justement rappelé le 28 mars –, les populismes et les extrêmes gagnent du terrain dans les têtes et dans les urnes à mesure que progressent le chômage et la pauvreté, que se creusent les inégalités de revenus, mais aussi que les lieux de décisions semblent s’éloigner des peuples. C’est pourquoi la confiance démocratique est un levier décisif pour combattre la crise et bâtir le monde de l’après-crise.

En France, cette République exemplaire a commencé à naître. La baisse de la rémunération du chef de l’Etat et des ministres, le premier gouvernement paritaire de notre histoire et la fin des instructions individuelles du ministère de la justice en témoignent. Y contribuent aussi les décisions du chef de l’Etat prises après les manquements à l’intégrité et à la vérité de Jérôme Cahuzac, en matière de contrôle accru du patrimoine des ministres et des parlementaires ou de lutte contre les conflits d’intérêt.

Pour aller plus loin, modifier la Constitution est indispensable. L’adoption des réformes qui rendront possible ce chantier dépend de ce fait de la bonne volonté d’une partie de l’opposition, la majorité des 3/5 du Congrès étant requise pour faire évoluer notre loi fondamentale par la voie parlementaire.

Le gouvernement vient de déposer quatre projets de loi constitutionnelle. Le statut pénal du chef de l’Etat y est partiellement revisité. Le non-cumul des mandats fait l’objet d’un projet de loi spécifique. Quant au droit de vote des étrangers aux élections locales, il est suspendu à l’adhésion d’une trentaine de parlementaires de la droite et du centre.

Cette approche repose sur un pari, celui du gouvernement qui, dans un louable souci républicain, espère l’aval de l’opposition sur ce premier volet de la République exemplaire. Pourtant ses chefs ont, lors des consultations entamées par le premier ministre, manifesté par principe leur hostilité à une évolution de nos institutions. Sans grand risque, on peut pronostiquer que la droite prendra argument d’une exigence de stabilité constitutionnelle et de l’absence d’urgence pour interdire tout changement.

Dès lors, si ces réformes rencontraient trop d’obstacles, le président de la République pourrait mobiliser le peuple pour concrétiser plusieurs attentes fortes et demander par référendum les avancées que la droite refuserait au Parlement. Renforcer le pouvoir de contrôle du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations des magistrats du parquet pour que leur carrière ne repose plus sur le bon vouloir de l’exécutif.

Supprimer la Cour de justice de la République afin que les ministres en fonction et mis en examen soient jugés par une juridiction ordinaire, et non plus par leurs pairs.
Faire en sorte que les anciens présidents de la République ne siègent plus au Conseil constitutionnel, qui ne saurait accueillir en son sein, par exemple, des juges qui rêvent à voix haute de reconquérir une fonction politique, jetant un doute sur l’impartialité des décisions des ‘sages’.

Réviser le statut pénal du chef de l’Etat afin que dans le domaine civil, sa responsabilité puisse être engagée pour les faits qui ne relèvent pas de sa fonction, à égalité avec tous les citoyens.

DROIT DE VOTE DES ÉTRANGERS, L’ARLÉSIENNE

Mais le Président de la République pourrait aller au-delà. Délivré de la nécessité de se concilier une part des voix de l’opposition parlementaire, il pourrait demander par la voie référendaire de se prononcer sur l’ensemble des volets d’une République exemplaire que les Français ont déjà approuvée une première fois le 6 mai 2012.

Ainsi, l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec celui d’un exécutif local pourrait être soumise à l’arbitrage citoyen. Les règles de remplacement des députés et sénateurs renonçant à leur mandat national pour cause de cumul avec un mandat local seraient également modifiées à cette occasion. Cette innovation pourrait alors s’appliquer dès 2014.

Le droit de vote des étrangers, véritable Arlésienne depuis plus de trente ans, pourrait être soumis à la délibération du peuple souverain. Une première étape serait valablement franchie en réservant ce droit aux ressortissants des pays accordant la réciproque aux Français vivant dans leurs communes. Les mêmes droits s’appliqueraient alors aux mêmes conditions pour tous les étrangers, qu’ils soient européens ou extra communautaires.

Il nous sera objecté que la procédure référendaire présente toujours un risque : celui de voir les Français répondre moins à la question qui leur est posée qu’à celui qui la pose. Députés socialistes, nous croyons au contraire que, en soumettant au référendum non pas une question sur toutes ces réformes, mais autant de questions qu’il y a de réformes, en d’autres termes un référendum multi-questions, le risque d’interprétation plébiscitaire s’en trouverait forcément réduit en même temps qu’un véritable contenu participatif et populaire serait donné à cette consultation.

Il s’agirait d’un temps fort de notre vie démocratique où, par la nature même de la procédure proposée aux citoyens, les arguments l’emporteraient sur les postures et le bien public sur la tactique. L’intérêt général mérite que, le moment venu et si cela s’avérait nécessaire, tout soit tenté pour mettre en oeuvre cette République exemplaire. »

Guillaume Bachelay, Luc Belot, Brigitte Bourguignon, Jean-Christophe Cambadélis, Valérie Corre, Seybah Dagoma, Sébastien Denaja, Olivier Faure, Jean-Patrick Gille, Julie Sommaruga.

Lire en ligne sur le site du Monde