Pourquoi l’UMP a peur du débat

Pourquoi l’UMP a peur du débat

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L’ambiance est électrique. Mais le ministre est débranché. Depuis ce matin le débat a commencé en commissions sur la réforme des retraites. Eric Woerth, hagard, se contente de renvoyer la balle. Ses réponses sont laconiques. Souvent imprécis, il s’excuse devant la commission des Finances en expliquant qu’il a « oublié son dossier » au ministère…

Comme au bon vieux temps du RPR, l’UMP fait front. Sans nuance. Comme chaque fois que la majorité se sent en difficulté, elle a pour  réponse exclusive le passage en force.

Entamer le 20 juillet un débat sur une réforme présentée comme la principale de la législature, il fallait oser. Ils ont osé.

Refuser  la publicité des débats en commission, il fallait avoir le culot de le justifier quand dans le même temps le gouvernement achète à millions des pages ou des écrans de publicité pour vanter une réforme qui n’est même pas votée . Ils ont eu ce culot.

Limiter la parole à un orateur pour l’opposition et par amendement, fixer le temps de parole à deux minutes pour parler de sujets aussi simple que la pénibilité, il fallait assumer l’indécence. Ils l’assument.

Mais de quoi a donc peur la majorité si ce n’est  justement du débat. Pourquoi? parce que l’argument de la droite pour faire avaler la pillule aux Français était simple : il n’y avait qu’une réforme possible.  et donc un choix binaire, celui du courage ou celui de la lâcheté. La droite empruntant évidemment la première voie… Cela supposait une opposition repliée dans une forme de résistance désespérée, repliée sur le discours des acquis, sans vision de l’avenir et des enjeux. Le parti socialiste a, en dévoilant son projet, interdit à l’UMP son meilleur refrain. Pire, son projet alternatif a a le fois le mérite d’être financé, d’être plus juste, plus durable et surtout d’être soutenu par une majorité de Français.

La deuxième raison tient au malaise qui règne au sein de la majorité. En commission des Finances ce matin les divisions internes à l’UMP ont permis aux socialistes de faire adopter un amendement maintenant à 65 ans le départ à la retraite sans décote pour les mères de deux enfants.

Faut-il lâcher prise et renoncer à la discussion? Evidemment non. La discussion – aussi hachée soit-elle – a permis notamment de faire apparaître les points suivants :

  1. La réforme n’est financée que jusqu’en 2018. Woerth a dit « il faut s’habituer à des rendez-vous sur les retraites ». En clair, le passage à 62 ans et 67 ans n’est garanti que jusqu’en 2018. Pour les générations nées après 1959, de nouveaux reculs de l’âge légal sont prévus.
  2. E. Woerth a reconnu le siphonage du fond de réserve pourtant destiné aux générations qui partiront après 2020. « le fond n’a pas été créé pour être regardé » a-t-il déclaré. Les Villepinistes s’en sont également émus par la voix de D. Guarrigues qui présentait un amendement commun avec les députés Goulard et Montchamp.
  3. Les retraites des personnes au carrières fractionnées notamment les femmes vont être pénalisées. Dans les faits on assistera à une baisse des pensions. C’est ce qu’a implicitement reconnu Chantal Brunel (UMP).
  4. Les hauts revenus et les revenus du capital contribueront à hauteur de 2 milliards d’euros en 2020 à la réforme. C’est moins de deux fois l’effort qui va être demandé aux fonctionnaires par l’augmentation de leurs cotisations (4,9 milliards en 2020)
  5. l’argument « c’est normal de passer à 62 ans parce que depuis 1982, l’espérance de vie a progressé de 6 ans » ne prend plus. Depuis 1982, la durée de cotisations est passée de 150 à 162 trimestres, soit 3 ans c’est-à-dire la moitié de l’espérance de vie acquise. Les Français ont déjà payé…

Demain les socialistes reprendront la démonstration. Ils feront progressivement apparaître que cette réforme est dictée par les intérêts du désormais fameux « premier cercle ».