Judas, le boxeur et les bénévoles

Judas, le boxeur et les bénévoles

besson

Mardi 13 :30. Mon téléphone vibre. Un nom s’affiche. Un nom que je lis trop souvent ces derniers jours. Un nom qui me vient d’un passé décomposé. Un nom qui rime avec trahison.

La dernière fois que nous nous étions parlé, Eric Besson venait de franchir le Rubicon. C’est moi qui l’avais appelé parce que dans la presse, il répétait sans honte que le pamphlet qu’il avait signé sur le candidat Sarkozy lui avait été imposé par la direction du PS. Je savais pour en être témoin, qu’Eric avait voulu, seul, écrire ce brûlot. Il ne voulait partager avec personne le titre envié de meilleur opposant à Nicolas Sarkozy.

Trahison, indécence, mensonge. Je pris mon téléphone. Au bout du fil, les explications furent aussi brèves que confuses – « je te rappellerai, je n’ai plus de batterie ». Trahison, indécence, mensonge… j’ajoutais lâcheté.
Il ne me rappela évidemment jamais. Jusqu’à mardi, jour où il apprit que les socialistes prévoyaient de l’interroger lors de la séance des questions au gouvernement. Il avait fallu la peur (celle d’être pris au dépourvu) pour que mon téléphone sonne à nouveau.

Je n’ai pas pu décrocher. Qu’aurais-je pu lui dire sinon mon dégoût.
Changer de camp par blessure d’orgueil, passe encore. Transgresser toutes les valeurs morales, tous les principes éthiques qui ont fondé un engagement, il y a de quoi vomir.

Il y a quelques semaines, c’était l’appel à la délation et maintenant c’est le déclanchement d’une polémique artificielle avec Philippe Lioret, le réalisateur du film WELCOME. Cette attaque grossière a pour seul objet de détourner l’attention de l’opinion publique de cet article L622-1 (*) qui menace toute personne qui aura aidé directement ou indirectement un étranger en situation irrégulière, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros.

Cette disposition est une épée de Damoclès au dessus de celles et ceux qui placent leur part d’humanité au dessus de toute légalité.
Je veux dire ici combien me révolte l’attitude d’un ministre qui légalise un sans-papier quand il devient champion de boxe, mais criminalise les bénévoles qui servent un bol de soupe à la cohorte des perdants. L’immense colonne de ceux qui – hommes, femmes, enfants – ont tout abandonné et tout perdu.
Le respect du droit n’implique pas l’abandon de toute solidarité, ni de toute fraternité. Ces valeurs sont notre histoire. Elles étaient la seule source de lumière et de chaleur quand la nuit s’est abattue sur le ciel de notre Europe.

Si j’étais ministre de l’identité nationale c’est ce que je m’efforcerais de ne jamais oublier.

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(*) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.