Ce que révèle le débat sur l’audiovisuel public

Ce que révèle le débat sur l’audiovisuel public

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Depuis trois semaines, les députés socialistes, radicaux et citoyens  assument une bataille parlementaire aux côtés des Verts et du parti communiste. Sur certains sujets, comme la révocation du président de France Télévisions, il est arrivé que le Nouveau Centre se joigne à la critique. Le Modem ne s’est pas exprimé en séance, mais son président a affiché son rejet de ce texte.

L’opposition ne dispose pas d’une majorité pour contrecarrer les intentions du Chef de l’Etat. Tout projet de loi finit par être adopté. L’opposition  dispose toutefois d’un moyen symbolique, la prolongation des débats, pour révéler à l’opinion la dangerosité de certains projets. Celui-là intéressait peu. Il était d’autant plus important que, du Parlement s’élève une critique véhémente, pour dénoncer un texte qui remet en cause jusqu’à l’équilibre des pouvoirs.

Qu’a permis le débat, que révèle-t-il des intentions et de la méthode de la droite au pouvoir?

1. Le débat a permis de sensibiliser le grand public.

Selon LH2 (5 et 6 décembre), 56% des français (contre 30% seulement d’avis contraire) pensent désormais que la réforme  « remet en cause l’indépendance des chaines de télévision publiques par rapport à l’Etat ». Selon une enquête plus récente de CSA, (10-11 dec)  74% des personnes interrogées estiment que la nomination du président de France télévisions est une « mauvaise chose« . Sur les résultats attendus de la réforme, seuls 16% estiment qu’elle conduira à une amélioration de la qualité des programmes !

2. Le débat révèle une méthode, celle du passage en force.

Pour un projet aussi important que celui là, le gouvernement n’a initialement programmé que 6 courtes journées étalées sur deux semaines pour en débattre. Comme pour tous les textes ou presque désormais, l’urgence a été déclarée, ce qui supprime la seconde lecture avant Commission Mixte Paritaire.
Lorsque l’opposition cherche à animer le débat, la majorité et le gouvernement crient à l’obstruction et menacent d’utiliser le 49-3 (avant de reculer sous la pression). Pour mémoire, le projet de loi sur la presse en 1983 avait mobilisé 20 jours de séance étalés sur trois mois entre décembre 1983 et février 1984.

Retardé dans ses projets d’une courte semaine, le gouvernement Fillon décide de passer par décret pour supprimer la publicité de France Télévisions. C’est Frédéric Lefebvre qui a, le premier, vendu la mèche.  Nous sommes loin, très loin des déclarations enflammées de juillet dernier où il n’était question que de revaloriser le Parlement et de donner un statut à l’opposition.

3. Le débat révèle une hypocrisie. Ce texte n’est pas fait pour servir l’audiovisuel public mais pour renflouer les caisses de Martin Bouygues, ami personnel du chef de l’Etat.

La ministre Albanel explique qu’elle attend la fin des débats pour prendre sa décision sur d’éventuels décrets. La ministre est dans un jeu de faux semblants. En réalité selon l’AFP, son entourage a expliqué dès jeudi dernier que,  je cite, « tout est prêt » pour une suppression de la publicité à partir du 5 janvier. « les chaines privées sont dans les starting blocks, les annonceurs l’ont anticipée et nous leur avons confirmé cette date ».

Voilà qui achève de nous éclairer :
–    l’objectif véritable est de redistribuer 450 millions € aux chaines privées, essentiellement TF1 et M6.
–    450 millions auxquels s’ajouteront 2 autres millions d’euros correspondant à la sortie de TF1 du capital de France 24 (contre 18 000 euros versés seulement au moment de la création de France 24).
–    Cette suppression de la publicité pouvait se faire par décret.
–    Si cela est passé par la loi c’était pour habiller la reprise en main de l’audiovisuel public par le chef de l’Etat.

4. Le débat révèle en effet un objectif, celui de la mise au pas de tous les contre-pouvoirs

La nomination – révocation des présidents de l’audiovisuel publics est une régression condamnée y compris dans les rangs de l’UMP (Cf. déclarations répétées de François Baroin).

Il y avait une tendance continue depuis 1981, celle de la libération des médias et l’affirmation d’une autorité de régulation indépendante. C’est ce mouvement qui est aujourd’hui rompu.

Maintenant nous découvrons que le gouvernement veut aller plus loin avec le projet de loi organique qui vient décliner la réforme constitutionnelle adoptée en juillet dernier. Le droit d’amendement va être remis en cause. L’opposition va être interdite de parole.
Le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer appuie ce projet liberticide en expliquant qu’il faut revenir à un « crédit temps » pour l’opposition qui était en vigueur en 1935 et jusqu’en 1969. Il oublie juste de dire que ce qui a justifié son abandon, c’est justement le changement de République. Nous sommes passés de la 4ème République qui était un régime parlementaire et où l’instabilité a été la seule permanence, à un régime semi-présidentiel qui ne cesse de se présidentialiser depuis 2007.

C’est aujourd’hui la démocratie qui est en cause. Le pluralisme est menacé à la télévision. Le temps de parole de l’opposition est déjà réduit à la portion congrue à la télé. Le temps de parole présidentiel n’est toujours pas décompté dans l’audiovisuel alors même que le président est omniprésent. Et maintenant c’est la parole de l’opposition au Parlement que l’on souhaite brider. Il y a de quoi être très inquiets. C’est un système qui se met progressivement en place. Son inspiration n’est pas démocratique.