GDF : lettre ouverte à Chantal Brunel

GDF : lettre ouverte à Chantal Brunel

Madame la députée,

Nous sommes à la veille de l’ouverture d’une grande discussion parlementaire.

Pas une simple polémique entre experts. Un vrai débat de société. L’un de ceux qui, en opposant deux visions de l’avenir de la France, éclairent nos concitoyens sur les grands choix à venir et le type de société dans laquelle ils veulent vivre.

Demain, vous aurez à choisir entre le maintien du service public de l’énergie et le don à un groupe privé des réseaux, fichiers, clientèles, savoir-faire accumulés depuis 1946 grâce aux deniers publics.

Aucune urgence n’appelle cette décision. En revanche ce choix précipité aura des conséquences durables pour les Français :

– Abandon de tout contrôle réel sur la politique tarifaire alors que la facture énergétique des familles a déjà augmenté de 200 € par an,
– Privation pour l’Etat de toute maîtrise de la stratégie énergétique de la France,
– Renonciation à conduire une politique volontariste de protection de l’environnement,
– Renoncement à l’indépendance énergétique du pays,
– Constitution d’un pôle Suez-GDF directement concurrent de l’entreprise nationale EDF
– Menaces sur l’emploi, notamment pour les services communs EDF-GDF…

Dangereuse sur le fond, cette privatisation est choquante dans sa méthode.

– Aucune concertation n’a été engagée, ni avec les syndicats (qui s’opposent tous à ce projet), ni même avec l’agence des participations de l’Etat, pourtant créée expressément à cet effet par la majorité UMP à laquelle vous contribuez.
– Ce projet de fusion-disparition ne figurait ni dans le projet de Jacques Chirac en 2002, ni même dans la déclaration de politique générale de Dominique de Villepin l’an passé. Et c’est un gouvernement, en fin de mandat, dont la légitimité n’a cessé d’être contestée, qui veut imposer ce bouleversement à l’improviste.

Enfin, cette décision marque un rapport particulier aux citoyens. Comment réconcilier les Français avec la politique lorsque s’affiche un tel mépris pour la parole donnée ? En 2004, c’est Nicolas Sarkozy, ministre des Finances qui a pris l’ « engagement solennel » de ne pas privatiser GDF parce que, disait-il, elle ne « sera jamais une entreprise tout à fait comme les autres ». Aujourd’hui c’est le même homme qui fait face à toute la représentation nationale, hormis l’UMP, pour faire passer en force cette décision.

Madame la députée, rien ne saurait vous obliger aujourd’hui à faire ce choix qui à bien des égards risque d’être irréversible. Cet engagement de privatiser GDF, vous ne l’avez pas pris devant vos électeurs. Ils ne sauraient donc vous reprocher de vous y opposer.

Ce pôle de l’énergie a été voulu à la Libération par les socialistes, les communistes, les radicaux mais aussi par les gaullistes. Leur choix commun a permis la mise en place d’un service public de l’énergie dont les principes sont au cœur de notre pacte social : continuité, sécurité d’approvisionnement, égalité d’accès, tarif unique. Sans doute vous souvenez-vous de ce que disait le Général De Gaulle : « la politique ne se fait pas à la corbeille ». Sans ce volontarisme partagé, aurions-nous jamais eu notre filière française d’énergie nucléaire civile, le TGV, Ariane ou Airbus ?..

Mais ce n’est pas seulement à notre histoire ou à nos principes que nous vous demandons de ne pas tourner le dos, c’est surtout à notre avenir comme à celui des générations suivantes. Comment nous chaufferons-nous demain ? nous déplacerons-nous ? nous équiperons-nous ? L’énergie conditionne la vie quotidienne de chacun d’entre nous.

Dans ce moment crucial, vous avez la possibilité soit de renier la parole donnée et d’engager la France sur des chemins hasardeux soit de faire le choix de conforter le service public, de maîtriser les tarifs, et de développer une véritable politique énergétique durable.

Nous vous prions de croire, madame la députée, à l’expression de notre considération.

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